Haïti traverse l’une des pires crises de son histoire contemporaine : la faim gagne les campagnes, les balles sillonnent les villes, les écoles ferment par centaines, les hôpitaux étouffent sans oxygène ni médicaments. Et pourtant, au sommet de cet océan de misère, une liste officielle vient d’émerger, signée du Palais national : plus d’une vingtaine de personnes, soigneusement désignées pour rejoindre New York et représenter l’État haïtien à l’Assemblée générale de l’ONU.
On y trouve tout : conseiller-président, épouses, directrice de cabinet, consultants, photographes, cameraman, agents de protocole, armée de gardes du corps. Une véritable délégation XXL, financée par les deniers d’un trésor public déjà exsangue. Comme si Haïti, ce pays qui ne parvient plus à sécuriser ses quartiers ni à nourrir ses enfants, pouvait encore s’offrir le luxe d’envoyer une flotte diplomatique plus nombreuse qu’une équipe olympique.
Le scandale n’est pas seulement comptable. Il est moral. Car ce qui se joue ici, c’est l’abîme entre un État qui s’accroche aux symboles du prestige international et un peuple qui se noie dans la boue de la survie. À quoi bon multiplier les badges et les per diem quand la voix d’Haïti à l’ONU n’est déjà plus audible, recouverte par le bruit des rafales et des pleurs d’une population abandonnée ?
Reconnaissons-le : cette délégation n’est pas un acte diplomatique, mais une insulte. Une insulte à ceux qui meurent dans les rues de Port-au-Prince, une gifle aux déplacés qui dorment sous des bâches déchirées, un crachat sur les mères qui tendent des casseroles vides à leurs enfants. L’État voyage en business class ; le peuple, lui, n’a même plus droit à la dignité du quotidien.
Tant que la République continuera à investir dans les voyages plutôt que dans ses citoyens, elle ne représentera plus Haïti à l’ONU. Elle représentera seulement l’image dégradée d’une élite sourde, complice de la faillite nationale.
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