Le Jardin botanique des Cayes est en train de dépérir, non pas sous les coups de bulldozers des gangs, mais dans le silence pesant d’un État absent. Ce sanctuaire de biodiversité, unique en Haïti, est aujourd’hui pris dans les filets d’un conflit foncier banal, alors qu’il représente un patrimoine écologique d’une valeur inestimable.
Depuis 2003, l’agronome William Cinéa a façonné ce lieu comme un espace de savoir et de sauvegarde des espèces rares. Pourtant, vingt-deux ans plus tard, la science, l’éducation et l’écologie se voient reléguées au second plan face à une bataille judiciaire où triomphe la logique de propriété privée sur l’intérêt collectif. La famille Paloma défend ses droits, mais où est donc l’État qui devrait arbitrer en faveur du bien commun ?
L’inaction des autorités est d’autant plus scandaleuse que ce jardin est l’un des rares poumons verts du pays, reconnu au-delà des frontières. Fermer les yeux sur sa disparition, c’est accepter que des décennies d’efforts s’évaporent, que des espèces endémiques s’éteignent, et que la jeunesse haïtienne perde un espace de recherche qui aurait pu nourrir des générations de scientifiques.
Ce drame écologique en dit long sur notre rapport à la terre : chacun protège son lopin, mais personne ne défend le patrimoine collectif. Le ministère de l’Environnement ne peut plus se réfugier dans son mutisme complice.
Car si le Jardin botanique des Cayes disparaît, ce n’est pas seulement un site qui meurt, mais l’idée même qu’Haïti puisse un jour protéger et valoriser ses richesses naturelles.
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