Une mascarade de plus : L'État haïtien face à ses propres échecs

Lundi 21 juillet, la Primature a servi de théâtre à une nouvelle réunion grandiloquente entre les présidents Voltaire et Saint-Cyr, le Premier ministre Fils-Aimé et tout un aréopage de hauts responsables, venus – selon le communiqué – proclamer une « unité totale » face à la crise sécuritaire. À croire que la répétition des mots suffira à conjurer la faillite des actes. Car derrière les phrases soigneusement calibrées pour la galerie, c’est toujours le même vide : celui d’un État qui a démissionné depuis longtemps.

À l’annonce de mesures budgétaires et logistiques "exceptionnelles" pour renforcer la PNH, l’on ne peut que hausser les épaules. Ce langage, les Haïtiens le connaissent trop bien. Il revient à chaque pic de violence, chaque massacre, chaque humiliation infligée par des gangs désormais mieux armés et plus coordonnés que les forces régulières. Mais sur le terrain, les habitants de Carrefour-Feuilles, de Cité Soleil ou de l’Artibonite n’entendent ni sirènes de police, ni hélicoptères de l’armée. Ce qu’ils entendent, ce sont les rafales d’armes automatiques. Ce qu’ils voient, ce sont des maisons brûlées, des familles déplacées, des enfants traumatisés. Où sont donc passés les effets concrets de ces fameuses réunions de crise ?

Il y a dans cette mise en scène un aveu d’impuissance que les autorités refusent de reconnaître. Elles préfèrent multiplier les promesses vides, invoquer la "coordination nationale et internationale" tout en continuant de naviguer à vue, sans plan d’action clair, sans réforme institutionnelle profonde, sans volonté réelle de frapper au cœur des réseaux qui alimentent l’économie criminelle.

Ce que cette réunion démontre, c’est surtout l’incapacité chronique d’un leadership haïtien fragmenté, sans vision et sans colonne vertébrale. Car enfin, à quoi bon parler de « restauration de l’ordre républicain » quand les institutions sont corrompues jusqu’à l’os, quand les élites politiques entretiennent des relations troubles avec les mêmes groupes qu’elles prétendent combattre ? À quoi bon brandir l’unité nationale quand elle n’est que façade pour masquer la paralysie totale du pouvoir ?

À défaut de gouverner, les dirigeants se contentent d'exister dans le communiqué. Pendant ce temps, le pays s’enfonce dans une forme de chaos où la normalité devient la peur. Il ne suffit plus de se réunir, de signer des papiers ou de prononcer des discours. Il faut agir. Mais encore faut-il en avoir le courage, l’intégrité, et surtout la légitimité. Trois choses que ce pouvoir n’a manifestement pas.

Tant que ces réunions resteront des rituels de façade, sans impact réel sur la vie quotidienne des citoyens, elles ne feront que renforcer le sentiment d’abandon et d’amertume dans la population. Haïti n’a pas besoin de plus de paroles : elle a besoin d’un État. Un vrai.

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