Recalé à l’aéroport, propulsé sur la scène électorale : Le paradoxe André Michel

Il y a des jours où l’histoire hésite entre la tragédie et la farce. Ce samedi 26 juillet 2025, Me André Michel, jadis porte-voix d’une opposition intraitable, s’est vu refuser l’embarquement pour les États-Unis à l’aéroport international du Cap-Haïtien. Officiellement, il n’a pas été arrêté. Officieusement, il n’a pas été autorisé à partir. Et entre ces deux réalités, un silence épais, bureaucratique, diplomatique, presque gêné.

Mais c’est le lendemain que le véritable spectacle commence. Sans même commenter l'incident, Me Michel choisit de contre-attaquer, non pas depuis un prétoire, mais depuis les arènes numériques. Sur son compte X, il annonce sa candidature à la présidence, avec un programme dense : sécurité, développement, souveraineté, et surtout, l’éradication des gangs. Rien que ça.

Chez Me André Michel, la constance n’est pas dans les idées, mais dans l’audace. L’homme a su incarner tour à tour l’avocat des causes perdues, le tribun des rues, puis l’allié d’un pouvoir qu’il avait pourtant juré de combattre. Sa trajectoire ressemble à celle d’un funambule politique : il avance, vacille, chute parfois, mais remonte toujours sur le fil, comme si l’échec lui servait de trampoline.

Être empêché de voyager ? Il en fait une rampe de lancement. Être visé, selon des sources crédibles, par une interdiction de territoire américain ? Il transforme l’humiliation potentielle en déclaration de guerre politique. En Haïti, où la politique est souvent une affaire de perceptions, André Michel l’a bien compris : mieux vaut prendre l’initiative que d’expliquer sa vulnérabilité.

Mais une question s’impose : cette déclaration de candidature est-elle un projet sincère ou un bouclier contre les vents contraires ? Le passé récent nous l’enseigne : les ambitions présidentielles en Haïti servent parfois à éviter les procès, gagner du temps, ou réécrire son propre récit. Me Michel ne serait ni le premier, ni le dernier à chercher dans les ors de la République une protection diplomatique — voire morale — face à l’exclusion internationale.

Le peuple, lui, observe. Il sait que la scène politique est remplie de déclarations sans lendemain. Il se souvient aussi des alliances étranges, des retournements spectaculaires, des silences complices. L’électorat haïtien, si souvent trahi, ne se contente plus de promesses. Il exige des preuves de rupture, des gages de sincérité.

En clamant haut et fort qu’il « ne dialoguera pas avec les gangs », Me Michel se donne des airs de chevalier. Mais le verbe est une chose ; le passé, une autre. Qui a dialogué avec qui ? Qui s’est tu quand il fallait parler ? Qui a contribué, par ses silences ou ses alliances, à rendre les gangs si puissants aujourd’hui ?

C’est là tout le paradoxe de Me André Michel : il parle pour laver son image, mais son image, elle, garde les traces. Ce n’est pas l’interdiction de voyager qui ternit sa réputation, c’est ce qu’elle révèle de non-dit et de liens supposés.

Recalé sur le plan diplomatique, relancé sur le plan politique, Me André Michel nous rappelle que la vie politique haïtienne reste imprévisible, parfois déroutante. Mais il oublie une chose essentielle : ce n’est plus suffisant de vouloir le pouvoir. Il faut aussi, et surtout, convaincre qu’on saura en faire autre chose qu’un parapluie contre l’orage.


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