Erik Prince en Haïti : Sécurité sous contrat et fiscalité externalisée pour dix ans


Derrière les murs feutrés des négociations, un accord discret pourrait transformer la manière dont Haïti gère sa sécurité et ses finances. Erik Prince, figure controversée du monde militaire privé et proche allié de Donald Trump, s’apprête à installer sa société Vectus Global dans le pays pour une mission de dix ans. Objectif : reconquérir les territoires aux mains des gangs et rétablir la collecte des impôts, en particulier à la frontière avec la République dominicaine.

Les termes de l’accord prévoient une première phase militarisée : drones, tireurs d’élite, hélicoptères et patrouilles maritimes. Selon une source proche du dossier( Reuters), plusieurs centaines d’hommes, venus d’Amérique, d’Europe et d’Amérique centrale, seraient déjà prêts à intervenir. La promesse affichée par Prince est claire : dans un an, voyager de Port-au-Prince au Cap-Haïtien sans craindre une embuscade devrait redevenir possible.

Mais cette présence étrangère ne se limite pas au champ de bataille. Une fois les routes sécurisées, Vectus Global prendrait part à la gestion du système fiscal frontalier. Or, cette manne financière représente historiquement une ressource majeure pour l’État haïtien. En confier la collecte à une société privée étrangère, c’est aussi lui donner un rôle inédit dans la gouvernance économique du pays.

Prince n’en est pas à son premier coup d’éclat. Ancien patron de Blackwater, il a été au cœur de polémiques internationales, notamment après la mort de civils en Irak en 2007. Aujourd’hui, il applique la même logique sécuritaire qu’il a exportée en Afrique et en Amérique latine, mais dans un contexte haïtien explosif, où les liens entre gangs, policiers et responsables politiques compliquent toute opération.

Des organisations de défense des droits humains craignent qu’un tel contrat n’échappe à tout contrôle démocratique. Pour Gédéon Jean, du CARDH, « déléguer la sécurité à une armée privée étrangère, c’est courir le risque de perdre le peu de souveraineté qu’il reste ». D’autres y voient un pis-aller inévitable face à l’impuissance chronique de la police nationale, sous-équipée et mal financée.

La crise haïtienne, alimentée par l’effondrement économique et la violence armée, laisse peu de marge aux autorités. La République dominicaine, principal fournisseur de biens essentiels au pays, ne peut garantir la continuité des échanges tant que les routes sont aux mains des gangs. Pour le nouveau président du conseil de transition, Laurent Saint-Cyr, l’appel à un renfort international est un passage obligé.

Reste à savoir si la mission de Vectus Global sera un tremplin vers un renforcement des institutions haïtiennes… ou l’ouverture d’une décennie de dépendance sécuritaire et fiscale.

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